Quelques lignes en passant
En cette période de crise planétaire, peut-être serait-il temps de se rappeler quelques gestes simples, celui de tourner la page, d’aller par exemple dans la campagne, celle aussi de son esprit, pour lire l’herbe haute, déchiffrer le coin obscur d’un champ, marcher entre les villages (regroupement d’idées) pour retrouver l’essor de l’horizon, s’attabler au coude à coude avec ses chimères dans une auberge reculée au fond d’une parenthèse, demander un café, un blanc, du rouge qui avive les pommettes, enfin quelque chose qui rassérène. Oublier les fumées de l’informatique, l’inconsistance de traders impossibles, apprendre à faire le tour d’un bosquet comme si c’était celui de la terre entière, un morceau de bois mort (c’est l’automne) à la main en guise de baguette de sourcier pour repérer l’émotion d’un peu d’eau dans la mousse. Jubiler alors avec elle, se satisfaire de sa transparence, s’exercer à déceler l’anneau des sources, loin de la fumée noire d’une époque qui s’incendie, se détruit, se goinfre de ses chiffres. Un clocher doigt levé contre le ciel interroge plus richement qu’un écran d’ordinateur, une chaumine que le temps affaissa nous renseigne plus sur l’avenir de l’espèce que des colonnes qu’on additionne, multiplie, soustrait, escalier virtuel dont les marches s’anéantissent l’une après l’autre. Où êtes-vous alors, qui vous tient ?