Propos divers, quoique d’été
La « peoplelisation » gagne aussi les fleurs, un voisin jardinier m’apprenant hier qu’on donne des noms d’artistes, de comédiens, de personnalités politiques en vue à des roses qui n’ont plus alors la liberté de s’épanouir dans l’anonymat de leurs pétales. Les pauvrettes devraient s’en plaindre. Je me suis juré les jours prochains d’être attentif à leurs protestations, d’en cueillir même quelques-unes.
Il y a des pas perdus au fond de certaines rues. Apprendre à les écouter afin de pouvoir cheminer sur leurs traces et convertir celles-ci en quelques pages errantes d’un livre itinéraire, drogué par le soleil et surtout par la lune, mon but narratif actuel.
J’ai lu de la romancière Siri Hustvedt, Yonder, six méditations traduites de l’américain par Christine Le Bœuf. La première, intitulée « Yonder », qui donne son titre au livre, m’a semblé assez remarquable à cause de la proximité de la voix narrative (elle parle au cœur), de son étrangeté, des souvenirs pas encore gelés de Norvège d’où la famille de l’auteur est originaire, de son désir aussi de développer un espace intérieur, de nous en donner les clés entre ici ou là, quand ce n’est pas ici, c’est déjà là. On lit, on marche, là-bas est bientôt atteint et pourtant reste là-bas. Quand deviendrons-nous citoyen de là-bas tout en restant ici ? Une des intentions profondes de ce livre. Mais lisez plutôt :
Un jour mon père m’a demandé si je savais ce que signifie yonder. J’ai répondu qu’à mon idée yonder était synonyme de there, là. Il a souri et m’a dit : « Non, yonder, c’est entre ici et là ».
Comment être entre ici et là sinon par la littérature ?
Dès qu’on arrive à yonder-tree, cet arbre qui est là-bas, il devient l’arbre qui est ici et disparaît à jamais de cet horizon imaginaire.
A vous de poursuivre en achetant ce livre (Babel poche).
En vérité, ce qui me fascine, c’est moins le fait de se trouver en un lieu que le fait de ne pas s’y trouver : la façon dont les lieux vivent dans l’esprit après qu’on les a quittés …
Cela, le roman. Réussir à pénétrer dans l’absence des chambres qu’on vient d’abandonner avec la maison qui n’existe plus qu’en idée. Infinis royaumes.