Pan de Knut Hamsun (1859-1952)
Un étrange récit. Un homme respire en norvégien en lisière de forêt, flanqué d’un chien qui promène partout son ennui d’être seulement chien. Une hutte les abrite, enfin une hutte, disons plutôt une sorte d’excroissance végétale qui porte ce nom, une poussée abusive des halliers qui étend son couvert jusque sur le coeur du héros, le ténébreux lieutenant Thomas Glahn. Que se passe-t-il exactement ? Les histoires ne sont lisibles qu’en lisière, or cette aventure s’imprègne tellement de la touffeur des bois, de leurs profondeurs, du passage furtif des animaux sauvages que tout être qui en sort en sort-il vraiment ? Ne porte-t-il pas partout l’agitation sourde des branches et leur silence bruissant? Ne subsiste-t-il pas dans son sang l’écoulement têtu de la résine? Une brusquerie s’installe, traduite éloquemment par Georges Sautreau. Un roman qui a oublié le soleil, ses certitudes et significations. (Le livre de poche, 5 euros)
En voici les premières lignes :
Durant ces derniers jours j’ai pensé et repensé au jour perpétuel de l’été du Nordland … Je suis en train d’y penser, ainsi qu’à une hutte où je demeurais et à la forêt derrière la hutte, et je me mets à écrire quelques notes pour abréger le temps et pour mon amusement. Le temps est très long, je n’arrive pas à le faire passer aussi vite que je le voudrais, bien que je n’aie rien qui me chagrine et que je mène fort joyeuse vie. Je suis satisfait de tout et mes trente ans ne sont pas un âge …
Cette comptabilité de l’ineffable qui va se développer sur 148 pages.
Hansun souffrit semble-t-il de troubles psychiatriques, ce qui explique peut-être, j’ose l’espérer, sa sympathie pour le nazisme. Lire à ce propos la « chronologie biographique » établie en fin de volume par le grand spécialiste des littératures scandinaves qu’est Régis Boyer, le talentueux traducteur des sagas.