Lectures
Les Essais à nouveau mon livre de chevet. Quand je lis Montaigne, l’impression étrange de l’entendre presque respirer. Serait-ce dû à l’aspect domestique de sa phrase ? On le croirait me parlant depuis la cuisine de sa pensée et ses moindres mots prennent la valeur de la tambouille mise à cuire au feu de son inspiration. Vous allez me dire, ce 11 décembre 2007, à quoi bon colloquer avec un homme du XVIe siècle ? Mais justement c’est cette besogne d’interpeller le temps qui m’a toujours fasciné. Bien sûr on annonce une grève nouvelle à la SNCF, la France reçoit le maître de la Libye, il pleut, le froid gagne les rues. Qu’a à faire Montaigne dans tout cela ? Mais les mots ont aussi leurs fleurs et Montaigne est un extraordinaire jardinier. Comment mieux vous expliquer ? Sa façon d’attaquer les phrases en bout de table et de revenir ensuite à son point de départ, le roman de sa vie qu’il tente de faire monter dans ses syllabes me redonnent courage. Un exemple au hasard des pages :
Il est peu d’hommes adonnés à la poésie , écrit-il.
Est-ce le mot « adonné », je suis soudain d’équerre avec lui. A deux on trafique l’angle droit du réel et de l’imaginaire, on entre en connivence. Aujourd’hui, je ne sais pas mieux expliquer le sentiment qui m’habite à feuilleter les Essais, un des trésors de notre langue. Pourquoi cette impression qu’il me parle en voisin, que j’appartiens presque à sa maisonnée, qu’il suffirait de prolonger sa phrase pour toucher son idéale présence? Il est 18h20. J’arrête.