Le ciel touche à peine terre
4e de couverture
Deux jeunes hommes, les frères Mercerer, Johan et Dietrich, chevauchent à travers une campagne noyée de brume, escortés par l’homme de confiance de leur père, Samson, dit Sansonnet. Nous sommes en 1650 à l’automne dans le nord de la Hollande, dans ce pays plat et mélancolique, sans cesse menacé par la mer, qu’on appelait alors les Provinces-Unies. Les trois voyageurs laissent derrière eux Terhorne, port lointain de la Frise, et descendent vers le sud par petites étapes, contournent le Zuiderzee, selon un tracé aussi fantômatique que coloré qui doit (mais est-ce vraiment une obligation ?) les mener à Paris. Michel Chaillou a laissé à Johan, le méditatif, le soin de raconter cette étrange odyssée gorgée d’eau, plantée d’arbres à pendus et jalonnée d’auberges inquiétantes, avec l’horizon (le dénouement ?) qui se dérobe aussi sûrement qu’un troupeau de nuages sous le vent : « A la dernière maison, soulignée d’une barrière verte, déjà nous n’étions plus rien que trois ombres glissantes, galopantes, affamées de solitude et de ciel profond. »
Extrait (première page)
« Comment éveiller le rêve sans l’endormir ? » Proverbe frison.
On sait qu’en Frise certaines terres se trouvent au-dessous du niveau de la mer. Je suis né dessous, au bord d’un de ces nombreux étangs qui éclairent, hantent la campagne de Stavoren à Bergum, mon frère dessus, aussi dessus que le Zijpenberg qui culmine à cent six mètres, une des collines de la Gueldre qutour d’Apeldoorn, un bourg haut en couleur, un des plus élevés des Provinces-Unies où nos chers parens alors transitaient. Ce qui explique chez Dietrich un esprit plus au sec. Il ne comprend rien à mon air perpétuellement immergé, à la nécessité pour moi de reconstituer sans cesse mes digues. Est-ce le ciel, par exemple, le soir qui monte avec ses étoiles liquides ou la surface d’un océan ? Une perplexité me roule dans sa vague dont je ne parviens pas à étreindre l’écume. Je passe des heures à m’abîmer, m’éclipser en moi jusqu’au fond de mes poches. J’ai parlé très tard, et longtemps la bouche dans l’eau, des sons certes en sortaient, à l’évidence seulement pour les poissons, les seuls êtres qui, en dehors de ceux de l’Arche, aient échappé au déluge. On me renvoyait, faute de mieux, aux mares pour qu’elles réfléchissent à ma place, aux fourrés pour qu’ils me sermonnent, m’égratignent. Qu’eux m’apprennent le chemin déchirant.
Michel Chaillou parlant du roman au Festival Étonnants voyageurs,
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