Colline Faure-Poirée
Michel, tout ce que tu as pu connaître dans ta vie d’écrivain de la littérature, tu nous l’as transmis à nous tes lecteurs. C’est ainsi que je t’ai rencontré dans l’éblouissement de ton style.
Puis, nous nous sommes retrouvés autour de « Brèves ». Avec tes amis écrivains, main dans la main, avec Michèle ta femme, tu as édifié, volume après volume, cette histoire romanesque unique dans la littérature.
Tu disais dans le Petit guide pédestre de la littérature française au 17 e siècle : « Cette histoire résume les nôtres : singulières, hâtives (la hâte est notre manteau de voyage), tout un XVII e […], parcouru, fouillé, remué en tous sens. On a lu à perdre haleine (tant de monde à voir), prenant juste la peine de soulever le loquet d’un nom, de débrider quelques pages. L’essentiel était de nommer, de rappeler à voix haute. L’infinie nomination d’un siècle, ces ombres que le temps avala, temps de ces morts devenus des livres, hommes et femmes avec marge. A chacun éventuellement de s’attarder, de prolonger la visite, d’entrer en familiarités. Et comment ne pas être familier quand on sait d’un auteur, l’intime, y compris la date de sa mort ? ».
A te lire, Michel, dans la polyphonie de ton œuvre, intimes nous l’étions devenus. Nous connaissions tes exigences, tes passions, tes préférences :
Tu aimais Nantes, ta ville. Aujourd’hui si peuplée, où seule la Loire fait glisser son silence.
Tu aimais la côte sauvage, où courent tes années d’enfance.
Tu aimais le jeu des généalogies. La tienne te comblait, d’un côté, les Canoby, les aristocrates italiens, de l’autre, les gitans, gens du voyage et de liberté.
Tu aimais les gens de petites vertus, et les gens de haut lignage.
Tu aimais les palabres, les conversations ininterrompues, les digressions, les parenthèses dans lesquelles tu te glissais.
Tu aimais causer avec les mouettes.
Tu aimais la musique de Ravel et de Debussy.
Tu aimais la musique de David.
Tu aimais le rire de Michèle.
Tu aimais nous donner des nouvelles de Valérie, Mathilde et Clément.
Tu aimais avoir peur.
Tu aimais être rassuré.
Tu aimais la Haute-Enfance.
Tu aimais les rituels.
Tu aimais les secrets, tu ne disais jamais le titre d’un livre avant de remettre le manuscrit.
Tu aimais les titres : Jonathamour, Le Rêve de Saxe, Le Sentiment géographique, Domestique chez Montaigne, Le crime du beau temps, L’hypothèse de l’ombre…
17 était ton chiffre. Tu avais toujours 17 projets à venir, 17 vies qui nous restent à découvrir dans ton œuvre.
Tu aimais tant et tant de choses, Michel, et nous, nous t’aimons.
La cérémonie du 16 décembre 2013