La Croyance des voleurs
Un roman de l’enfance, en bord de Loire, à Nantes. Première apparition de Samuel Canoby, le héros d’une série à demi autobiographique, partagée entre fiction et réalité.
Prix des Libraires
Prix de la Ville de Nantes
Prix Vitet de l’Académie Française
Le Rêve de Saxe
« A-t-on jamais entrepris la biographie de l’Amour, fait le conte, dépenses et sorties de sa vie musarde ? Né ici, mort là. »
Le rêve de Saxe
« A-t-on jamais entrepris la biographie de l'Amour, fait le conte, dépenses et sorties de sa vie musarde ? Né ici, mort là. »
Le Monde (le feuilleton de Bertrand Poirot-Delpech)
Sous les draps du dix-huitième siècle
Aimer les mots et aimer les corps, c’est tout un. Deux siècles de concepts et de moralisme ont enseveli cette vérité croustillante. La voici réhabilitée, avec une érudition et une luxure qu’on croyait éteintes à jamais. Pour y arriver, il fallait un gentil obsédé. Il s’appelle Michel Chaillou. Fouineur de paragraphes – ces bosquets – , marieur de genres, on l’a déjà vu, comme Domestique chez Montaigne, accoupler l’histoire et la géographie, pas moins … […] Attention : Chaillou n’écrit pas « sur » les dessous du dix-huitième. Il les z’yeute, de tout son appétit, il ne reconstitue pas les « petits appartements » de Versailles; il y couche en rêve, il y crève d’envie. Il pétrit le kaolin du souvenir, comme le porcelainier fixe une contorsion caressante, une nuance d’élan, une roseur émue. A la manière de l’époque, il mêle sexe et religiosité. A la façon du plaisir, il ignore le lendemain, entendez : le chapitre suivant. Il écrit devant soi, comme on chasse. Que se lève la bête inopinée ! La volupté guettée au saut du lit, au détour du bois, fourrure qui s’enfuit … (vendredi 20 juin 1986)
Le Figaro (Michel Nuridsany)
Michel Chaillou : faisons un rêve
« J’écris amour porcelaine. J’ambitionne d’être le troisième terme qui les unit affectueux, cassables », indique Michel Chaillou. Et c’est en effet ainsi que fonctionne et se développe ce livre qui ressemble à une pâte de porcelaine – la porcelaine naissant de la porcelaine, comme l’amour naît de l’amour, l’art de l’art – roman brillant, hanté par l’idée que le verbe contient la matière du monde. La bibliothèque n’est pas ici ce qu’elle put être chez Borgès : elle est dépôt. C’est le bottin de l’imaginaire. Reste au créateur à pétrir la pâte : alors le verbe se fait chair. (29 août 1986)
Libération (Jean-Didier Wagneur)
Michel Chaillou : Saxe machine
La « rêvasserie » du narrateur (il tient à ce mot gras comme l’argile) alimente un récit plein de digressions picaresques où reviennent en blocs d’amour la Nationale, les amitiés, le quotidien anachronique d’une famille, sur fond de rose « Pompadour ». « Machine à étaler » plutôt qu’à remonter le temps, Le Rêve de Saxe met bout à bout, mot à mot, phrase à phrase, le passé, le présent, l’Histoire et le fantasme. […] A réserver aux « amateurs » au sens fort du mot, et à interdire aux « éléphants », Le Rêve de Saxe est le contrepoison idéal aux cauchemars historiques dans lesquels la littérature est trop souvent bordée. (lundi 5 mai 1986)
L’Humanité (Claude Prévost)
Fictions joueuses
Le brocanteur Chaillou est capable, quand il le veut, de brosser de grandes scènes […] Mais son goût du rafistolage lui évite l’emphase […] Cela donne un récit sautillant, d’un charme extrême, celui du discontinu, de l’inattendu. (28 mai 1986)
La Quinzaine littéraire (François Aubral)
Plein de jus
Michel Chaillou ne badine pas avec les archives, ses « bottins de l’imaginaire »: il les enchante et les fait craquer jusqu’à ce qu’elles cèdent aux charmes de son écriture dont la nature est romanesque et la puissance poétique. […] Ce qui brille dans ce roman, c’est l’art et la manière des digressions, dans le temps, les changements de décors, de registres, de ton : il conviendra un jour d’étudier ces passerelles toutes en finesse. […] Un livre qui fait lumière dans la grisaille littéraire actuelle. Un livre impossible à chroniquer parce qu’aucune de ses pages ne permet de déduire la suivante. ( 1er au 15 juin 1986)
Télérama (Michèle Gazier)
Évocation d’un siècle des Lumières où la pénombre surtout était propice à la complicité des corps, à la ferveur des rencontres, à la performance amoureuse, au duo sur canapé. Michel Chaillou traque les amoureux du XVIIIe siècle dans la très sérieuse Bibliothèque Nationale. Voyageur du temps jadis, il guette l’amourette et la bagatelle et flirte avec la langue française. Il la caresse, la butine, la flatte et l’apprivoise avec le talent d’un écrivain accompli. Un vrai festin gourmand, une fête galante. (16 juillet 1986)
L’Express (Jean-Baptiste Michel)
M. le Maréchal rêvait de porcelaine
Sortir de soi pour entrer dans la peau d’un homme du XVIIIe siècle, s’approprier sa « vision », son goût, son toucher, son odorat, voilà le pari le plus fou et pourtant le plus logique que puisse faire un historien, surtout s’il se double, ici, d’un romancier-poète. Cette promenade est une quête. Le désordre des pensées, comme le bric-à-brac des antiquaires, révèle sa poésie, sa poétique. […] Toute l’Histoire tremble ainsi au bout de quelques sensations, et ce « work in progress » réinvente le roman historique. (6 au 12 juin 1986)
L’Evénement du Jeudi (Alain Duault)
Les dames du temps jadis
Sexe, Saxe, sperme et syntaxe Michel Chaillou s’amuse follement dans les combines du siècle de Louis XV
Ce n’est pas vraiment un roman historique, mais c’est un roman avec l’Histoire, un roman où l’Histoire sert de perfusion au récit, où le présent dérape sans cesse sur le XVIIIe siècle – l’époque Louis XV comme on dit du mobilier. Où l’écriture et l’imaginaire se nourrissent de ces années poudrées jusqu’à faire apparaître le présent comme un trompe-l’oeil, un trompe l’esprit, un trompe la mémoire. Car pour Michel Chaillou ce passé semble bien plus son vrai présent que cette époque, la nôtre, sur laquelle il ricoche pour revenir à ses amours. (10 juillet 1986)
Le Point (François Nourissier)
Michel Chaillou est un écrivain rare, sourcilleux, volontiers provocateur (jusqu’à infliger quelques inutiles tortures à une langue très classique) que retrouveront ou découvriront avec un plaisir un peu pervers les vrais amateurs de mots, les fous de rythme et de phrases, ceux qu’une prose fruitée, bousculée, hérissée, plonge dans ce plaisir secret, peut-être incommunicable, auquel je veux ici faire référence. (2 juin 1985)
La Tribune de Genève (François Tranchant)
Le Rêve de Saxe est un merveilleux livre à tiroirs, bottin de l’amour au 18e, un agenda rempli de rendez-vous avec un autre siècle : le bain froid de la Dubarry, l’empoisonnement de l’infidèle Lecouvreur, les orgies de la Guimard, Mme de Mailly, les plus belles jambes de la cour, les vingt-quatre pensionnaires du Parc au Cerf, sérail du roi. Les petits riens de la cour : le roi fabrique des tabatières, se déguise en if au bal masqué, écrase les orteils du sieur Darboulin, le dauphin, six ans, retire le fauteuil sous le postérieur de sa mère et la fait tomber … (5 juin 1986)
Elle a choisi
La promenade au royaume de Saxe et des belles créatures en biscuit, alanguies et consentantes, ne risque de choquer que ceux qui voient le mal là où il n’est pas et n’admettent pas que le temps, l’Histoire, absolvent bien des fautes, à condition que triomphe l’amour. ( 16 juin 1986)
VSD (Jean-Pierre Enard)
Le style de Chaillou est d’une habileté époustouflante. On s’en délecte. Le Rêve de Saxe est un livre qui rend heureux : voilà qui devrait lui assurer des lecteurs en foule ! (7 au 15 mai 1986)
Marie-Claire (Claire Méheust)
Au temps du Bien-Aimé qui aima lui-même beaucoup, on disposait de 1300 mots pour désigner l’amour. 550 pour le sexe masculin. 600 pour le féminin. Une richesse que redécouvre avec délices Michel Chaillou. […] De bien jolies pages débraguettées pour un aimable divertissement où l’humour fait assaut d’érudition. (juin 1986)
Le Nouvel Observateur
A lire ou relire pour la plage
Du sexe, quelques raves, toute brocante jardinière et amoureuse qui faisait le charme lent de « Domestique chez Montaigne » et du « Sentiment géographique ». Michel Chaillou écrit comme on taille les sabots dans le Rouergue : au racloir et à la caresse. Les fantasmes réduits en copeaux, reste la poésie. Superbe. (4 au 10 juillet 1986)
Radio
- Démarches de Gérard Julien Salvy, France-Culture 31/05/1986
- La nuit et le moment de Laure Adler, France Culture 27/05/1986
- Panorama de Jacques Duchâteau, France Culture 13/06/1986
- Du jour au lendemain d’Alain Veinstein, France Culture 22/07/1988, après la réédition en folio
La vindicte du sourd
Un roman d'aventures pour la jeunesse, dans une presqu'île battue par les vents.
Prix Korrigan
Le Matin (Francis Dumont)
L’écrivain Michel Chaillou dont le « Domestique chez Montaigne » avait été salué récemment par la critique s’est prêté à un exercice plus difficile qu’il n’y paraît : écrire un roman d’aventures dans la veine de l’Ile au trésor …
Il y a donc bien un trésor, une grotte, une goélette et des pirates, il y a donc bien une énigme, dont on ne dévoilera pas le fin mot, qui, d’ailleurs, ne nous appartiendra jamais. Car l’énigme résolue, il restera des secrets – celui d’un père sur qui le soupçon se sera porté, et sans doute à raison, celui d’un village qui l’aura partagé dans un mutisme et une surdité volontaires, celui d’un petit garçon qui aura perdu dans l’histoire l’innocence qu’il se prêtait. ( 12 juin 1984)
Esprit (André Marissel)
Rien de ce que publie Michel Chaillou n’est indifférent. Envoûtement, charme, profondeur. La Vindicte du sourd est un petit chef d’œuvre : le lieu de nos troubles, de nos inquiétudes, de nos interrogations les plus persistants. ( n°12, décembre 1984)
Radio :
« Le livre ouverture sur la vie »: dialogue avec des lycéennes, France Culture 13 février 1985
Télévision
« Latulu et Lireli », Récré A2 : plateau Dorothée et Jacky, Antenne 2 , 24 août 1984
La Vindicte du sourd
Un roman d’aventures pour la jeunesse, dans une presqu’île battue par les vents.
Prix Korrigan
Domestique chez Montaigne
Un gardien du château dans la célèbre tour.Le lecteur est invité à chausser des bottes de quatre siècles.
Après la réédition dans la collection « l’imaginaire » en 2010
Le Matricule des Anges (Thierry Cecille)
C’est un labyrinthe qu’il nous faut ici explorer, apprivoiser – et sans autre fil d’Ariane que la curiosité, rapidement mise en appétit, et le plaisir du texte. (n°216, Septembre 2010) Lire l’article
Le Monde des livres (Clara Georges)
Enquêtes existentielles
Dans Domestique chez Montaigne, la trame n’est qu’une série de détours. Passé les premières pages, si elliptiques que la lecture en est malaisée, on retrouve les mots charnus, les phrases chaloupées et enivrantes de Chaillou. C’est un livre dense – déconseillé, par exemple, dans les transports en commun. Il faut s’y laisser griser par les mots qui, parfois, parachutent le lecteur contre la chaleur d’un poêle dans une cuisine ou au fond d’un verger. La parole de Michel Chaillou, dit-il lui-même, est « un pays étrange ». Où des couches successives, de pensées, de gens, de lieux sont explorées. « On ignore trop que les choses s’épouillent, que des chaises, un fauteuil, la cavalcade d’un banc produisent des raclures, débris ligneux, coton, germes. Le château enfanterait presque son double crénelé à disperser au plumeau. » Ainsi, à la manière du château de Montaigne, nous voici tout dépoussiérés. (Le Monde des livres, 26 juin 2010)
(où il est aussi question du Crime du beau temps)
Après la première édition dans la collection Le Chemin en 1983
Le Monde (Bertrand Poirot-Delpech)
L’effet de vie grouillante de son livre procède aussi de la langue même : un dialecte qu’on dirait venu, à travers champs, du vieux françois. Les métaphores sensuelles et rustiques s’y bousculent, brèves, musclées, musquées. Des verbes puissants confèrent aux choses une vivacité animiste […] On voudrait pouvoir écrire : c’est du Chaillou, comme on dit d’un patois, d’un cru fort en tanin. Appellation contrôlée et incontrôlable, qui a vite fait de monter à la tête. On se promet de n’en boire qu’un verre, comme ça, en claquant de la langue; et pfuitt, la bouteille y passe ! (vendredi 11 février 1983)
Encyclopaedia Universalis (Gilles Quinsat)
« Domestique chez Montaigne »/ Michel Chaillou
Depuis son premier roman, Jonathamour, dans lequel l’intrigue amoureuse avait pour contrepoint et pour obstacle la rêverie tout intérieure poursuivie par le narrateur à travers récits de voyage et de piraterie, Michel Chaillou n’a cessé d’écrire des livres dans lesquels prime la recherche d’un moment de grâce: celui où réel et imaginaire ne s’ignoreraient plus mais, se tournant l’un vers l’autre, finiraient par se compénétrer. Projet déjà inscrit en toutes lettres dans Jonathamour : « Entre les mots, les choses, un lieu où se réunissent les histoires. Peut-être une pièce, un château, une serre, un endroit bourré. Je ne sais pas. »[…] Cette ébriété langagière inspirée par un lieu (c’est au contact du lieu que toutes choses commencent vraiment à parler), nous la retrouvons dans Domestique chez Montaigne (Gallimard). Nous touvons aussi, amplifiées et orchestrées aux dimensions d’un roman, les accointances qui peuvent lier un nom et un lieu. Marcel Proust ici n’est pas loin. Car « faire la visite du château », c’est aussi bien « visiter un nom », s’immerger en lui, le sillonner en tous sens, en explorer la géographie jusqu’à épuisement de ses possibilités narratives. Ainsi, Montaigne, présent sur la couverture du livre, en représente-t-il l’indispensable sésame. Au lecteur, il signale d’emblée un réseau complexe de chemins et de traverses qui le conduiront non seulement vers l’oeuvre et vers la vie de l’écrivain – indissociables -, mais aussi vers le village attenant au château, qui porte le même nom. Dès lors un glissement constant entre le passé et le présent, entre ce qui est vu et ce qui est lu, le présent de l’errance et le passé obstinément rameuté, est rendu possible. Et se tressent un à un les fils d’une écriture qui est moins rêverie que mémoire en acte, impossible à déchiffrer à l’aide de telle ou telle clé qui la rendrait intégralement lisible. Au contraire, la mémoire dont semble imprégnée la langue de Michel Chaillou, ne se tient jamais dans la distance du souvenir. Elle préfère parler au présent et s’incarner dans les êtres innombrables ou dans les objets de rencontre qui lui donneront brièvement vie. ….
Times Literary Supplement (Terence Cave)
Complexities of the moi
(recension couplée avec celle du Montaigne en mouvement de Jean Starobinski)
Time, then, is one of the main themes of the novel. Through devices such as oscillations of tense, parataxis, bewildering justapositions and unexplained associations, Chaillou recreates in his own terms a Montaignian preoccupation with le passage and the discontinuity it inflicts on individuals and their perception of the world. One consequence of his method is the almost total absence of narrative sequence. The « story » of the characters, from Montaigne downwards, is fragmented and dispersed; in a few cases, elements of narrative belonging to a given character can be picked out and put together (this isn’t a nouveau roman), but the novel invites the reader, by its very structure, to resist the temptation and commit himself to the passage. The other main consequence, also Montaignian (although perhaps nourished by phenomenology), is the priority given to sense-experience : the novel begins with a series of graphic, uncompromosingly physical notations (Alex getting up in the morning) […] Chaillou seems indeed to suggest tha the mos appropriate response to the Essais is to move aout of the realm of intellectual refexion, even out aof language itself, into the realm of immediate sensation and action. In this, his novel concurs with Starobinski’s notion of a « repli sur le présent – dans la vie du corps, dans l’ivresse ou l’extase ». Both writers display in their very different ways a nostalgia for presence, which is no doubt one of the reasons why they write about, or around, Montaigne. But Chaillou and Starobinski, no less than Montaigne, love the detours of language. Their celebration of « présence au monde » is also inescapably a celebration of literature as a special variety of experience. … (TLS, 3 juin 1983)
Esprit (André Marissel)
Le style inventé, imposé par Michel Chaillou, restitue bruits, couleurs, odeurs, et donne à voir, touches après touches, des personnages – artisans, jardiniers dont les humbles travaux n’ont rien de commun avec les péripéties de vie intellectuelle pimentées d’érotisme. Pour Chaillou les formes d’activité et de pensée, de patiente et cocasse érudition, ne sont pas davantage autrefois que maintenant séparées du peuple.
The French Review (Roland H.Simon)
Le roman français contemporain doit à présent compter Michel Chaillou parmi les tout premiers à nous sortir merveilleusement de la torpeur théoricienne des dix dernières années sans faire aucune concession aux académismes et aux formules toutes faites dont certains nostalgiques appellent le retour de tous leurs vœux. (The French Review , vol.58, n°3, feb.1985, p.492-493)
The French Review ((Dudley M. Marchi)
Montaigne among the Postmoderns : Chaillou and Sollers reading the Essais
Etude en anglais dans la revue de l’Association américaine des professeurs de français, (The French Review, vol. 68, n° 4, mars 1995, pp. 581-593.)
A l’école de la presse (Marie Etienne)
Domestique chez Montaigne est un des grands livres de notre époque, comparable à La Route des Flandres de Claude Simon, est très complexe : un homme séjourne dans le pays de Montaigne et établit un parallèle entre sa vie auprès du gardin du musée de Montaigne et celle de l’écrivain entouré de ses domestiques. (n° 15, septembre 1995)
La lecture de Richard Millet (dans Accompagnement)
Les premières lignes :
S’il y a, dans le roman de Michel Chaillou, quelque chose de proprement inouï et d’emblée admirable, c’est bien la langue qui s’y déploie : sa modernité pourrait en remontrer à ceux qui, par ignorance ou démagogie, professent le français langue pauvre, langue morte. Non que ce livre tire sa singularité du seul mouvement d’une écriture en quête d’elle-même. Avec une force neuve puisée à l’arrière-pays gascon, la prose de Chaillou donne à voir, à entendre, à humer et à hanter (siècles, lieux, personnages), jusqu’à ce que nous soyons, à notre tour, pris en langue et hantés par ce que nous aurons, avec le texte, sollicité …(Richard Millet, Accompagnement – Lectures, P.O.L. 1991, pp.142-145)
La lecture de Renaud Camus (dans Demeures de l’Esprit)
[…] Elles sont beaucoup, ces errances, ces courses de la matière du magnifique livre de Michel Chaillou, Domestique chez Montaigne, dont le titre trop modeste révèle insuffisamment qu’il s’agit en fait d’un autre Sentiment géographique, ce chef-d’oeuvre forézien du même auteur. Domestique chez Montaigne est au pays de Montaigne et à la Lidoire ce que Le Sentiment géographique est aux terres d’Honoré d’Urfé et au Lignon : certainement la plus riche évocation , et la plus françaisement orchestrée, de ce que peut être aujourd’hui une visite littéraire et aimante à la tour de Montaigne et à ses parages résonnants – mais pas une de ces visites d’une heure et l’on rentre chez soi, une visite comme il faudrait qu’elles le fussent toutes, une visite qui serait un véritable séjour et suivrait les chemins, se pencherait sur tous les cours d’eau, entrerait dans tous les hameaux, essaierait toutes les vues, garderait longtemps en bouche tous les noms comme autant de gorgées de ce vin du domaine qui se vend à la billetterie. (Renaud Camus, Demeures de l’Esprit, France I Sud-Ouest, Fayard 2008, chap. 3, p.45)
A la radio, émissions consultables dans les archives de l’INA :
- Le petit jardin, 8e partie. « Les chemins de la connaissance », France Culture, 7 juillet 1982. Jean-Loup Trassard invite Michel Chaillou à décrire le potager de Montaigne.
- Un livre des voix, France Culture, 15 février 1983. Lecture de plusieurs passages du livre et interview de Michel Chaillou par Pierre Sipriot.
- Littérature, « Les matinées de France Culture », 31 mars 1983. Entretien entre Roger Vrigny, Christian Giudicelli et Michel Chaillou sur son roman.
Domestique chez Montaigne
Un gardien du château dans la célèbre tour.Le lecteur est invité à chausser des bottes de quatre siècles.
Sélectionné pour le prix de France Culture
La Petite Vertu
Huit années de prose courante sous la Régence. Une anthologie et un roman-rumeur des mots d’une époque.
Le Sentiment géographique
Une rêverie autour de l’Astrée d’Honoré d’Urfé.
Le Sentiment géographique
Une rêverie autour de l'Astrée d'Honoré d'Urfé.
Le Monde (Jean Ristat)
Dans le lit d’Honoré d’Urfé
Rêveuse géographie.Or voici que paraît un ouvrage dont le propos, à y regarder de loin, serait un commentaire de l’Astrée. L’Astrée, d’Honoré d’Urfé est le premier grand roman français depuis le Moyen Age. Ouvrage de cinq mille pages, publié de 1607 à 1627, en partie apocryphe. Le succès du livre fut considérable jusqu’en pleine Révolution. Jean-Jacques Rousseau enfant lisait L’Astrée, « tragi-comédie pastorale » comme disent les professeurs, roman pour jeunes filles vertueuses (pour ceux qui ne l’ont pas lu). Et pourtant, comme le fait remarquer Gérard Genette, quel éloge du plaisir dans cette histoire de bergers, bergères et nymphes où Céladon, déguisé en fille, vit « à peu près continuellement enfermé dans une chambre avec deux ou trois jeunes filles toujours dévêtues ». Ce n’est point sur ces moments que Michel Chaillou, dans un très curieux récit, Le Sentiment géographique, nous invite à rêver : « Dormons ensemble, les moutons s’écoulèrent … » Ouvrons avec lui L’Astrée : « Auprès de l’ancienne ville de Lyon, du côté du soleil couchant, il y a un pays nommé Forez, qui en sa petitesse contient ce qui est de plus rare au reste des Gaules. » Nous voici, dès les premières lignes, transportés dans un lieu d’utopie où chacun voudrait bien être berger pour vivre selon son cœur. Mais le Forez de Michel Chaillou n’est pas seulement, comme celui d’Honoré d’Urfé, une retraite édénique au milieu d’un monde en guerre. Sa pastorale est « ce fouillis verbal où l’herbe s’exprime par des sons étouffés ». Ses moutons sont les mots qu’il conduit, phrase après phrase, page après page, selon un mouvement admirable de la langue jusqu’au réveil: « Les mots s’alourdissent de mottes, la phrase devient chemin, son sens une direction dans l’herbe anciennement foulée d’un couchant… »
[…] Il faut lire ce petit livre, le garder comme une perle rare et précieuse : quelque chose s’y annonce avec force, par quoi se reconnaîtront les bergers de demain, ceux qui engrangent les songes. (26 mars 1976)
Le canard enchaîné (Yvan Audouard)
Dans son exquis petit manuel de sieste à l’usage des amateurs de belles-lettres, Michel Chaillou s’amuse à compter les moutons qui paissent sur les bords du Lignon dans l’Astrée d’Honoré d’Urfé. C’est un livre qui s’efface de lui-même au fur et à mesure qu’il « s’étire » dans les plaines indolentes du Forez. Le but recherché (recherché dans les mots assourdis, perdus dans le brouhaha des phrases) est somptueusement atteint. Le livre est merveilleusement soporifique. Il n’y a aucune ironie dans mon propos, cette promenade immobile, qui va paisiblement de n’importe où à nulle part, ce discours « résonnant des ultimes sonnailles du discours en marche », empruntant sans arrêt les « ponts des récits suspendus », cette absence de tout mouvement vrai, de tout intérêt dramatique, font lever irrésistiblement en vous « l’astre unique du sommeil profond éclairant la réalité du songe ». Avant de fermer les yeux pour mieux voir le paysage permettez-moi de vous rappeler le titre de cette friandise délicieuse qui fait de vous un drogué léger : Le Sentiment géographique (NRF, collection Le Chemin).(25 février 1976)
Critique (Michel Deguy)
La sortie en dedans
Le passage au livre, la mobilisation et transformation du temps en temps de lecture (comparable lui-même au temps d’écriture ? c’est à voir) est à figurer : comparons cela à l’entrée dans un labyrinthe, dedans du dehors et dehors du dedans. Comparons cela, à cause de l’aspect matériel des phrases alignées, empilées, à un circuit-machine aux minutieuses tubulures de refroidissement (réchauffement ?) et de compression (décompression). Entrée, donc, dans un étrange appareil; et un récit peut métaphoriser le cours des péripéties de la lecture, transposer la circulation dans le livre, comparée à un engourdissement, à un endormissement sous le charme; et ce serait le récit de la lecture d’un livre qui serait lui-même l’allégorie (la métaphore) de la lecture (et de l’écriture ?) : en l’occurence de la pastorale d’Honoré d’Urfé si le berger, fondamentalement oisif, étant un qui ne fait rien, veille un moutonnement pareil à une phrase … Lire comme on s’endort ? Non pas en effet par un décrochement brutal comme dans l’évanouissement ou la mort, mais par initiation, entrée inchoative, dans une autre dimension, un espace autre dans celui-ci, où vit, j’allais dire « par ailleurs », le lecteur-homme de chair et d’os. Cette entrée est aussi bien une sortie de son dedans dans le repliement de son dehors; et dans l’espace livresque c’est bien son corps qui s’introduit : par les yeux: il y est immobile, et il y cesse de voir, c’est le bâton de lignes qui le guide dans un lieu aveuglé, sans choses; le livre est son Antigone, dans cet espace où le dehors s’est refermé, s’ouvrant à sa mise en absence […] (juin-juillet 1976)
Argos, CRDP académie de Créteil (Marie Etienne)
Un faux voyageur
« Le Sentiment géographique reprend et développe cette notion de territoire chez un écrivain tel que lui. Il y raconte l’histoire des bergers de l’Astrée dans le paysage du Forez, point central de la France en même temps que lieu géographique et symbolique de l’altérité. Le texte contient dans son corps même toutes les notes, références, citations, digressions qui se trouvent la plupart du temps en fin de page, de chapitre ou de livre. « Ayant choisi la prose de l’âge classique et le centre de la France, cet errant du langage qu’est Michel Chaillou nous rappelle qu’il est un faux voyageur, il nous trace les limites d’un territoire comme celui d’Henri Michaux qui est illusoire, tentative mentale de saisir un espace donné, un style, un asile champêtre, un réconfort presque intime », écrit Paul Louis Rossi dans un livre à paraître. » (n°15, septembre 1995)
Esprit (Nicole Casanova)
Ce livre absolument original veut être « une pastorale », c’est-à-dire une façon d’habiter les régions désertes de l’esprit et du temps, l’abord du sommeil, par exemple, ou l’Histoire revécue dans ses moments dont nous ne savons rien. (n° 10, octobre 1976)
Réforme (André Marissel)
D’aucuns verront dans ce livre, à cause des références nombreuses et des citations, un ouvrage savant, une fantaisie d’érudit; au vrai, Michel Chaillou a réinventé les pastorales, en grand rêveur qui souhaite aussi bien l’enracinement que l’évasion, en amoureux des mots qui s’exalte et approfondit ses relations avec le langage et ses possibilités encore inexplorées. Rien de plus inattendu et personnel que le vaste poème de Michel Chaillou ! (27 mars 1976)
Les Nouvelles littéraires (Claude Bonnefoy)
Cette lecture-parcours rompt avec les usages : elle ne se refère pas à l’histoire littéraire, mais seulement, et comme dans les marges d’un discours enchanté, à des livres qui entretiennent avec L »Astrée un rapport géographique (études sur la géologie, le climat, l’habitat, la langue du Forez), thématique (traités d’agriculture, d’élevage) ou souterrain (essais sur le sommeil et le rêve). Lecture inadmissible au regard des règles de la critique. Lecture profonde, féconde, cependant : bercé par le courant des phrases d’Honoré d’Urfé, rêveusement plongé dans le cours du Lignon, Chaillou à son tour habite, invente l’espace forézien. (19 février 1976)
Le Monde (Bertrand Poirot-Delpech)
(rendant compte du colloque sur le Baroque)
Pourquoi ne pas qualifier de « baroque » un écrivain de la pastorale rêveuse tel que Michel Chaillou — Le Sentiment géographique (Gallimard) — tout à sa hantise nocturne de retrouver pêle-mêle, à force de digressions et de demi-sommeils, l’esprit secret du Forez d’Urfé et les figues enfouies ou enfuies du passe, de l’espèce ? » (30 juillet 1976)
Le Pays Roannais
Michel Chaillou, berger des mots
Ainsi Michel Chaillou a-t-il écrit une pastorale 76, mi-roman mi-poésie, un itinéraire de transhumance du rêve vers le réel. Une œuvre de moraliste et de poète qui se défend de l’être.
(11 juin 1976)
Revue d’histoire littéraire de la France
L’Astrée d’Honoré d’Urfé : fortune et vicissitudes d’un best-seller au XVIIe siècle
Jean-Marc Châtelain et Delphine Denis
… C’est à un rare éloge de la lenteur qu’invite le livre de Chaillou. Avoir su trouver dans cette pastorale romanesque le sublime de l’ineffable est le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à l’oeuvre d’Honoré d’Urfé : une invitation au voyage.(décembre 2017, n°4, p.795-796)
radio
Reçu par Jacques Paugham dans l’émission « Ainsi va le monde » France Culture 8 juin 1976 (rencontre citée dans l’article du Pays Roannais )
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conférence
En août 2003 Michel Chaillou a fait une conférence sur la genèse de son livre lors d’une université d’été organisée par Yannick Linz et Hélène Waysbord, Patrimoine et littérature au collège et au lycée. La rencontre a donné lieu en 2005 à une publication du SCÉRÉN-CRDP Franche-Comté où l’on peut lire son texte intitulé « Le sentiment géographique » (p.113-121).
Collège Vaserman
Un faux théâtre, une vraie pédagogie de l'absurde, en prose et en vers.
Le Monde (Jacques-Pierre Amette)
A la façon du free-jazz
[…] Le roman s’écrit et se dialogue à la seule fantaisie des dissonances, des rythmes interrompus. Une cascade de cocasseries, de rapprochements surréalistes, de dévergondages syntaxiques, fait passer un haut voltage dans cette prose et suit un mode de création assez semblable à celui du free-jazz. Le texte, au gré des caprices verbaux, « descend la page à bicyclette », pour reprendre une expression de l’auteur. Le style saute, déraille, dérape du langage noble à la trivialité cinglante, glisse de la précaution oratoire à la critique interne du texte, à sa mise en abîme. Cette vaste mise en pièces des personnages et cette dérision de l’écriture qui se pastiche entraîne le lecteur vers quelque chose d’étourdissant : volte-face de miroirs et de trompe-l’esprit. (23 avril 1971)
L’Express (Etienne Lalou)
Le professeur qui fait l’enfant
[…] Donc Michel Chaillou n’est pas un enfant, il fait l’enfant. Il emploie toute son intelligence, toute sa sensibilité et toute son érudition à battre en brèche le système rationnel et logique, à passer du coq à l’âne, à effacer les repères. Il pourrait poursuivre cette entreprise subversive avec le pédantisme borné qui caractérise un certain nombre de contemporains. Il a préféré l’humour et la gratuité. (21 juin 1970)
La Quinzaine littéraire (Claude Bonnefoy)
[…] Collège Vaserman se donne pour un spectacle, d’entrée de jeu nous sommes prévenus. Tout se déroule ici dans le monde raffiné de l’illusion. Tout est à lire en miroir, à projeter, à contempler sur un plateau imaginaire : « Le décor est un théâtre, les œuvres présentées le sont pour la première fois et de manière définitive. (16-30 septembre 1970)
Combat (Alain Bosquet)
[…] Le premier livre de Michel Chaillou, Jonathamour, avait surpris par sa fraîcheur et sa désinvolture un peu terroriste, Collège Vaserman est tout aussi impertinent, drôle, caracolant, plein de trouvailles. On ne raconte pas un roman picaresque abstrait. Ce qui attache le plus, c’est le mélange des genres : récit en fragments sentencieux et burlesques, vers à rimes riches qui ressortissent à Queneau et à Audiberti, avec des clins d’œil du côté de Raoul Ponchon, dialogues de sourds, coups de théâtre, apostrophes en tous genres, on dirait un Réjean Ducharme français, ou un un Yak Rivais plus malin. Roman éclaté en sonnets disjoints ? Michel Chaillou a de la verve et de l’allégresse. Il pourrait avoir plus d’ambition. (6 août 1970)
La Bretagne à Paris (interview par Michel Joseph)
Un pirate sur les bancs du collège(10 juillet 1970)
Collège Vaserman
Un faux théâtre, une vraie pédagogie de l’absurde, en prose et en vers.
Jonathamour
Je m’appelle Jonathan. J’habite une chambre louée, 50, rue Jacob. Encore deux semaines et une jeune fille se déshabillera entre mes bras.
Le Monde (François Bott)
Une flambée de mots
Ce premier roman d’un professeur de lettres, qui allie comme Don Quichotte la fable et l’ironie, est un ballet, une flambée de mots charnus et rutilants, baroques et délicats. Mots-bibelots qui souvent nous enchantent.(6 avril 1968)
Combat (la chronique d’Alain Bosquet)
Avec Jonathamour, Michel Chaillou fait de surprenants débuts. S’il avait vingt ou vingt-cinq ans, on aurait été heureux de signaler une philosophie inconsciente et neuve de l’écriture; comme il en a trente-huit, on se dit que sa création est plus élaborée, et qu’elle est le fait d’un choix ou même d’une habileté extrême. Il suffira donc de déclarer que son livre procure un plaisir rare et à attendre un jour des recettes peut-être plus pétillantes encore. (11 avril 1968)
Les Lettres françaises (Jean Gaugeard)
Une jolie rousse
On serait mal venu de reprocher à Michel Chaillou les redites, la monotonie, un lyrisme trop souvent gratuit, un magasin aux accessoires qui sent l’Odéon […] puisque c’est au passif du pauvre Jonathan qu’il faut porter tout cela. Mais à l’actif de Michel Chaillou, on doit porter un humour charmant et efficace, le rythme, presque la scansion qu’il a su donner aux élucubrations journalières de son rêveur, et la poésie vraie qu’il laisse sourdre des stéréotypes et des enfantillages. L’aventure véritable est aussi verbale.[…]
Cette richesse du verbe, une grande intelligence de l’image, une allure narrative personnelle font de Jonathamour un début de qualité. (17 avril 1968)
Europe (Yolande Cassin)
Ce premier roman de Michel Chaillou est remarquablement écrit. Des phrases courtes, très courtes, chaque mot choisi, emporté par un rythme rapide, parfois haletant qui tient plus de la poésie que de la prose. On lit ce livre jusqu’au bout presque sans s’en rendre compte. Or il n’y a pas d’histoire, il n’y a qu’un homme jeune « Jonathamour » tel qu’il s’appréhende lui-même de l’intérieur, les mots collant à la pensée, aux rêves, aux souvenirs et les recréant à chaque minute. (juin juillet, août 1968)
Les nouvelles littéraires (Isaure de Saint-Pierre)
Présenter sous forme de récit l’aventure d’un être aussi instable, aussi perdu dans l’imaginaire, ne pouvait produire qu’un livre un peu fou et désordonné. Pourquoi les jeunes romanciers ne savent plus se rendre maîtres des mots ? Ils préfèrent se laisser porter par de grandes phrases creuses et abstraites sans signification. (22 août 1968)
radio
- Du jour au lendemain, « Dans la bibliothèque de Philippe Boyer« , France Culture, 21 décembre 1990. Au micro d’Alain Veinstein, Philippe Boyer dit son coup de cœur pour Jonathamour, prochainement réédité en folio.
télévision
- Le fond et la forme, « Un jeune romancier Michel Chaillou », TF1, 1 1 mars 1969. André Bourin dialogue avec Michel Chaillou qui lit des pages du roman dans les rues de Paris.
Jonathamour
Je m’appelle Jonathan. J’habite une chambre louée, 50, rue Jacob. Encore deux semaines et une jeune fille se déshabillera entre mes bras.