Retour
Après un surprenant voyage à Bologne, ville de mes ancêtres maternels, je me retrouve chez moi, triturant mes quelques livres familiers, les prenant en long en large et en travers, lisotant au hasard. Aujourd’hui la Correspondance d’Etienne Pasquier, un contemporain de Montaigne. En particulier cette lettre où il s’exprime sur l’auteur des Essais. En voici quelques passages :
Archéologie
En cette époque où sévit toujours, hélas, sur les ondes le critère de Panurge : classement des livres selon leurs ventes, des films par leur nombre d’entrées en salle (à quand le livre qui ne se vend pas ? le film génial qui écarte ses spectateurs ?), enfin, un miracle, à la première page du journal Le Monde, à la date du 16 mai 2008, cette tête de César repêchée dans le fin fond du Rhône, dans le fin fond du temps, et qui
Déménagements
A force d’ouvrir des livres comme des portes, des portes du temps parfois depuis longtemps verrouillées, ce Traité des synonymes françois de feu l’abbé Girard (1753) qui m’émeut dans tous ses mots, tant on a l’impression d’y entrer par effraction, d’y surprendre des significations endormies qu’on réveille à peine le temps d’une lecture. Deux siècles et demi déjà que la clé n’a pas tourné dans la serrure de la page de garde.
C’est par l’humeur qu’on est gai,
écrit le regretté abbé Girard. Et qui ne sent ici planer avec cette évidence
Lectures
Lu hier au soir un passage très étonnant de l’écrivain anglais de la fin du XVIIIe siècle Matthiew Gregory Lewis, l’auteur du fameux Moine célébré par les Surréalistes, lu donc dans son Journal de voyage à la Jamaïque où cet écrivain, alors âgé d’une quarantaine d’années, possédait quelques plantations vers lesquelles il voguait pleines voiles, lu que les marins de l’équipage, pour s’occuper l’esprit, alors que le vent soufflait et que la mer se soulevait, lisaient des ouvrages divers et qu’en particulier, quand l’un déchiffrait une comédie, l’autre se distrayait avec une brochure sur l’élevage des abeilles alors qu’un troisième déchiffrait à voix haute Les Souffrances du jeune Werther, et d’une voix monocorde comme celle d’une prière au temple ou à l’église.
Était-ce pour
Angleterre
Le critère de Panurge toujours en action ce matin à cette radio où l’on classe les émissions de TV de la veille au soir selon leur audience. On en vient à souhaiter qu’il n’y ait plus personne devant le petit écran, ce qui serait un signe de qualité. Il faut donc que cela plaise à tout le monde, une expression que j’exècre, alors que chaque être est singulier, chaque chose unique.
Exemples : qui se préoccupe
Agacements ou le critère de Panurge
Cette phrase hier dans un grand quotidien par ailleurs de qualité, cette phrase à propos de deux romans à succès, la voici texto :
Ils mettent en scène des personnages « vrais » (appréciez au passage les guillemets) dans lesquels tout le monde peut se retrouver.
Mais je ne me retrouve pas dans Don Quichotte, j’assiste à autre chose, à l’Espagne, je ne me retrouve pas dans Les Âmes Mortes ni dans La Fille du Capitaine, c’est la Russie qui m’égare. Car lire un chef d’oeuvre c’est se perdre, partir dans l’inconnu, explorer d’autres mondes et la phrase de l’écrivain (l’analogue du coup de pinceau pour le peintre) ouvre, engage le voyage. Lire alors, c’est
Virginité à la BnF
Aujourd’hui, don du manuscrit de Virginité et de ses brouillons au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale . Je l’ai remis entre les mains de Marie-Laure Prévost, conservatrice générale. Un moment émouvant.
Anachronismes
J’aimerais parler en ce soir pluvieux d’un de mes contemporains d’origine italienne, l’abbé Michel de Pure né en 1620 et mort en avril 1680 et auteur, parmi d’autres ouvrages, d’un roman La Prétieuse ou Le Mystère des ruelles. Oui, ces précieuses tant moquées par Molière dans sa si mauvaise pièce Les précieuses ridicules. L’abbé sous un nom d’emprunt s’introduit chez ces dames et rapporte leurs paroles devant un feu qui flambe alors que les vers qu’elle décrient ou qu’elles louangent tombent en cendres en même temps que les bûches. De quoi parlent-elles
Bibliothèques
Deux pages extraordinaires de Jules Michelet dans son Histoire de la Révolution française. Il s’agit, pour l’historien qu’il fut, d’expliquer les origines de la guerre de Vendée et il se produit presque à son insu une sorte de métamorphose exceptionnelle. Il ne s’agit plus de la Révolution ni même de la Vendée, il s’agit d’un monde bruissant que chacun de ses mots lève. L’obscurité trouve ici sa lumière mentale. Je ne résiste pas au plaisir de citer ce passage. Au coin du buisson, au coin de la phrase quelque chose se profile. Est-ce une forme ingénue de la beauté ? Entendez sonner le glas de ce Et par où le texte s’engage. La guerre civile a eu lieu dans la végétation. Nous sommes dans un pays de marais où
Climat
Simone de Beauvoir occupe un coin de l’actualité. Je ne sais plus dans quel hebdomadaire, le Nouvel Observateur je crois, on l’aperçoit de dos, dénudée en assez belle femme dans sa salle de bains. Cela n’ajoutera pas une ligne de gloire supplémentaire à son oeuvre, qui m’a toujours été étrangère. Ce temps de chien vous force à rentrer chez soi, pluie et vent mêlés qu’on tente de retrouver dans ses idées. La phrase qu’on écrit alors s’inspire du cadre tumultueux de la fenêtre. J’arrive de Nantes, ma ville natale où avec quelques écrivains et à l’instigation de la revue Place publique et de son directeur, nous avons à plusieurs tenté de parler de Julien Gracq. La Loire n’avait
Hommage à Julien Gracq
C’était une conversation, presque à bâtons rompus, animée par Thierry Guidet directeur de la revue nantaise Place Publique. Nous avons tous aimé, nous aimons toujours cette oeuvre si riche mais chacun à sa manière. La mienne ? Peut-être moins enthousiaste qu’il y a trente ans mais je suis toujours fasciné par cette rhétorique du désert où le lieu supplante la présence de l’homme. Du moins est-ce l’ impression que je retire de ma dernière et passagère lecture. (Lire l’intégralité du débat et une vingtaine de minutes de la vidéo)
Hésitations
Venir de temps à autre commercer avec le blanc de la page, essayer de se frayer un chemin dans le quotidien des nouvelles éparses de la planète. Les massacres au Kenya, des gens qui entrent chez d’autres et qui violent et tuent. Pauvre démocratie ! Les idées de gauche ou de droite n’ont rien à voir avec ce bain de sang. Est-ce encore une affaire d’opposition et de parti au pouvoir que ce carnage ? La suppression du Paris-Dakar, toute cette ferraille sur roues abandonnant enfin le désert qui retourne à sa virginité première. J’aime beaucoup le dernier livre de Jacques Roubaud Parc Sauvage, récemment publié aux éditions du Seuil. En particulier la grâce de sa narration, l’enfance de
Julien Gracq
Cet écrivain de grand talent vient de mourir à un âge assez avancé. J’égrène à voix basse comme une prière les titres de ses livres. Ce sentiment d’exil que me procure la moindre de ses phrases, comme un appel à des patries perdues. J’ai lu autrefois avec émotion Le rivage des Syrthes, Au château d’Argol, Un Beau Ténébreux. Depuis des années je ne le lis plus, mon chemin d’écriture s’est poursuivi ailleurs, mais je le savais là, au bord de la Loire, ce fleuve auprès duquel je suis né, la Loire, cette déclamation de la France jetée dans l’Océan. Je n’ai jamais vu
Politique
Que penser d’un chef d’Etat, qu’on dit par ailleurs fort intelligent, qui passe de Disneyland au Vatican comme dans une foire on change de manège ? Une telle visite au pape eût demandé plus de préambules intérieurs. Se trouver à la tête d’un pays comme la France, d’une culture qu’ensemencent la Loire, le Rhône et la Garonne, exige plus de tenue. Quant à la culture française qui serait en perdition, comme l’affirme fort niaisement un article du Times, de quelle culture s’agit-il ? De celle des médias ou de celle des livres ? Les frères Corneille se perpétuent dans certains écrivains d’aujourd’hui et Voltaire n’est pas absent sous la plume de quelques-uns, ni Nerval. Un nouveau romantisme s’apprête à naître dont