L’ami Boileau
Dans La vie de Racine, écrite par son dernier fils, Louis, auteur de l’édifiant poème La Religion que je n’ai pas lu, cette anecdote si vivante concernant Boileau qui, non content d’écrire ses fameuses satires, avait le talent moins connu de contrefaire les gens, d’emprunter à l’un sa voix, à l’autre sa démarche, ses attitudes, l’éclat de ses yeux. Lisez plutôt :
Comme il ne voulait pas faire imprimer ses satires, tout le monde le recherchait pour les lui entendre réciter. Un autre talent que celui de faire des vers le faisait encore rechercher : il savait contrefaire ceux qu’il voyait, jusqu’à rendre parfaitement leur démarche, leurs gestes et leur ton de voix. Il m’a raconté qu’ayant entrepris de contrefaire un homme qui venait d’exécuter une danse fort difficile, il exécuta avec la même justesse la même danse, quoiqu’il n’eût jamais appris à danser. Il amusa un jour le roi en contrefaisant devant lui tous les comédiens. Le roi voulut qu’il contrefît aussi Molière, qui était présent, et demanda ensuite à Molière s’il s’était reconnu. « Nous ne pouvons, répondit Molière, juger de notre ressemblance; mais la mienne est parfaite, s’il m’a aussi bien imité qu’il a imité les autres. » Quoique ce talent qui le faisait rechercher dans les parties de plaisir lui procurât des connaissances agréables pour un jeune homme, il m’a avoué qu’enfin il en eut honte, qu’ayant fait réflexion que c’était faire un personnage de baladin, il y renonça, et n’alla plus aux repas où on l’invitait que pour réciter ses ouvrages, qui le rendirent bientôt très fameux.
Lire Boileau pour oublier la vulgarité du siècle. Partir dans la campagne de nos parenthèses à son exemple :
Oui, Lamoignon, je fuis les chagrins de la ville /Et contre eux la campagne est mon unique asile, /Du lieu qui m’y retient veux-tu voir le tableau ?/C’est un petit village ou plutôt un hameau,/Bâti sur le penchant d’un long rang de collines,/D’où l’oeil s’égare au loin dans les plaines voisines.