Quelques lignes après une forte grippe
Comment je lis ? Comme j’avance en moi-même, communément, malaisément, heureusement, guidé par le livre que je viens d’ouvrir. Si ce sont les Essais du génial Montaigne, mes songes vite accompagnent ses songes, sauf qu’à le suivre ainsi syllabe après syllabe je me tiens discrètement en retrait. Son propos est si vif qu’il m’ouvre vite la chambrée obscure de mon être. Qu’importe ce dont il traite, j’en retiens le souffle qui embue mon âme. J’en admire le trajet évasif, toujours sur le point de se contredire, de passer outre. Comment, après un tel voisinage, retrouver les clameurs du siècle ? la vulgarité des médias ? Ecoutez plutôt :
Mais mon âme me déplaît de ce qu’elle produit ordinairement ses plus profondes rêveries, plus folles et qui me plaisent le mieux, à l’improuveu et lorsque je les cherche moins ; lesquelles s’évanouissent soudain, n’ayant sur le champ où les attacher ; à cheval, à la table, au lit, mais plus à cheval, où sont mes plus larges entretiens. J’ai le parler un peu délicatement jaloux d’attention et de silence …
Le parler ? Ce patois indicible quand dans une grande œuvre les mots ne parviennent à mourir, prenant plus d’échos que de sens.
Pour ce mien dessein, il me vient aussi à propos d’écrire chez moi, en pays sauvage
Pourquoi cette expression me hante-t-elle, « pays sauvage ». Ecrire, créer le pays sauvage de son dire …